Monnaie

10 francs Génie de la Liberté

Présentation

À la fin de l'année 1987, j'ai été chargé par le «Patron» Émile Rousseau de créer et graver une nouvelle pièce de 10 francs pour remplacer celle dessinée par Georges Mathieu, dite la France industrielle, trop lourde et très contrefaite. Cette pièce avait été remplacée très momentanément en 1986 par une 10 francs au coq, qui fut un échec annoncé par nous.

Cette désignation par le Patron était, de la part du dernier Grand Prix de Rome de gravure, une immense marque de reconnaissance qui arrivait après 25 ans de pratique du métier de graveur sur acier.

La demande de cette pièce émanait du Ministère des Finances, le sujet était libre. J'ai d'abord dû proposer plusieurs sujets et styles différents.

Mes propositions ont été très variées, telles que des Coqs, la Marseillaise de Rude, le Lion de Belfort, une France, des visages de la République, le Génie de la Liberté, le Mont Saint-Michel (qui sera retenu pour la pièce de 20 francs), et bien sûr, plusieurs revers…

Le choix du ministre des finances, Édouard Balladur s'est finalement porté sur la version du Génie de la Liberté, dans sa représentation de la statue située en haut de la colonne de Juillet qui occupe le centre de la place de la Bastille à Paris.

Une fois le choix fait, il ma fallu travailler ce projet, lui donner du caractère, l'améliorer jusqu'à la version que vous connaissez qui a obtenu l'accord de mon chef de service, Émile Rousseau, puis du directeur de la Monnaie, Patrice Cahart, avant d'avoir celui du ministre des Finances.

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Description

Face

Le Génie de la Liberté, d'Auguste Dumont, est représenté en entier dans le cœur en nickel de la pièce. Il est vu depuis le nord-ouest, du haut d'un immeuble.
La chaîne brisée qu'il tient dans sa main gauche ne figure pas, par décision « venue d'en haut »…
Le globe sur lequel le Génie est posé se trouve dans la couronne en bronze (Cupro-Aluminium-Nickel) tout comme la flamme. Un jeu de onze stries concentriques accompagne ces deux éléments.
Neuf ensembles de neuf stries horizontales et six ensembles de neuf stries obliques agrémentent la couronne.
Sur le cœur en nickel, figurent également les lettres R et F, interprétées d'après le Garamond, ainsi que la fleurette d'atelier « AGMM » sous le jambage du R.

Revers

La valeur « 10F », de grande dimension, s'appuie sur un ensemble de neuf stries horizontales. En outre, deux ensembles de stries obliques traversent la valeur faciale.
Ces trois ensembles coupent la couronne en trois parties qui portent la devise française écrite en majuscules « LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ » en Optima.
Le millésime, de 1988 à 2001, figure en abîme du cœur, encadré de la corne d'abondance à gauche et du différent du Graveur Général à droite.

 

Face : dessin & gravure
Revers : dessin & gravure

Calendrier de projet et de travail

Le calendrier de ce projet se déroula de la sorte :
  • Du 6 au 23 mars 1987 : première série de dessins : Coqs, Marseillaise, Lion de Belfort…
  • Du 1er au 4 avril, deuxième série : France et visages de République.
  • Du 27 avril au 4 mai : le Génie de la Liberté et le mont Saint Michel !
  • Le 29 juin : choix définitif.
  • Du 1er au 9 juillet : mise au point des dessins avec les contraintes techniques.

Je dois, à ce moment de mon récit, vous dire qu'à cette époque, nous gravions encore les monnaies en taille directe, c'est à dire sur un bloc d'acier, à la taille qu'allait avoir la monnaie. Cette technique ancestrale a été abandonnée «sur ordre», après cette pièce et celle de 20 francs qui a suivi. Funeste abandon !

  • Du vendredi 10 au vendredi 24 juillet : gravure de la matrice originale (M.O).
  • Du 18 au 20 août : relevé du poinçon original (P.O), sans les stries.
  • Lundi 24 et mardi 25 : enfonçage de la matrice originale.
  • Du 26 au 28 : gravure des stries sur l’emplacement de la couronne.
  • Lundi 31 août : matrice originale à tourner.
  • Du 1er au 11 septembre : production de plusieurs poinçons de reproduction (P.R) et matrices de reproduction (M.R)
  • Vendredi 25 septembre 1987 : premiers essais de frappe !
    Cette séance d’essai ayant été immédiatement totalement concluante, il ne fut pas nécessaire d’en faire une autre !
  • Mardi 29 : réglages des poinçons originaux.

Au total, il s’est passé quatre mois pour les dessins et le choix.
Le temps de gravure a été de moins de 20 jours.
Les étapes techniques ont duré 2 semaines.
Au final, la gestation de cette pièce a été de six mois et demi, ce qui est extrêmement rapide pour la naissance d’une pièce type !

Du 6 au 23 mars 1987

première série de dessins : Coqs, Marseillaise, Lion de Belfort…

Du 1er au 4 avril

deuxième série : France et visages de République.

Du 27 avril au 4 mai

le Génie de la Liberté et le mont Saint Michel !

Travail sur les avers
Travail sur les revers

Quantités frappées

Graveur Général / Dauphin

Essais

1988 / Essai de type courant : 1850ex
1988 / Piéfort en or : 50 ex
1989 / Piéfort en or : 15 ex
1989 / Piéfort en platine : 5 ex
1990 / Piéfort en or : 10 ex

Graveur Général / Dauphin

Emile Rousseau

1988 :          99 992 576 ex
1998 BU :    1 565 ex
1989 :          249 980 449 ex
1989 :          Tranche en 3 séries de

                    12 stries et 1 série de 13.

                    (inclus)
1989 BU :    1 438 ex
1990 :          250 000 011 ex
1991 :          249 987 011 ex
1991 BU :    2 500 ex (Frpe Med)

1991 BE :     6 232 ex
1992 :          99 966 111 ex
1992 BU :    2 698 ex (Frpe Med)

1992 BE :     4 938 ex
1993 BU :    3 095 ex (Frpe Med)
1993 BE :     5 309 ex

Graveur Général / Abeille

Pierre Rodier

1994 BU :   3 707 ex (10 000 ex) /

                   Dauphin
1994 BE :    4 566 ex / Dauphin
1995 BU :   19 011 ex
1995 BE :    4 796 ex / Abeille
1996 :         12 013 ex
1996 BU :   5 000 ex
1996 BE :    5 319 ex
1997 BU :   15 000 ex
1997 BE :    6 436 ex
1998 BU :   25 000 ex
1998 BE :    7 404 ex
1999 BU :   25 500 ex
1999 BE :   10 000 ex
2000 :        28 056 013 ex
2000 BU :  1000 000 ex
2000 BE :   15 000 ex

Chef du service de la gravure / Fer à cheval

Gérard Buquoy

2001 :      125 000 ex
2001 BE : 35 000 ex (Fer à cheval)

Galerie

Ce qu'il faut savoir

La série est très simple à constituer pour les millésimes circulants, beaucoup plus difficile pour ceux qui n’ont été produits que dans les boites pour collectionneurs (1993 et 1994).Les FDC et BU ont été intégrées pour les frappes et axes identiques dans les frappes courantes. L’une des erreurs monétaires les plus impressionnantes de ce type est le « centre décalé ». Rare sans plus, on la trouve sur les différentes années de frappe courante. Attention aux pseudo-variétés avec la partie centrale pivotée par rapport à la partie extérieure. La pièce étant frappée en une seule fois, cette erreur est impossible et ces exemplaires proviennent sans exception de manipulations où le centre est tourné artificiellement. Pour 1993 et 1994, attentions aux BE maquillés, deux fois moins chères (facile à repérer à leur tranche lisse)!

On trouve normalement, sur la tranche, des groupes de douze cannelures. Pour 1989, il existe une variante où l’un des groupes en possède treize. Les frappes médailles de 1991, 1992 et 1993 sont des monnaies extraites des boites BU.

En 1994, il n’y à eu aucune frappe normale mais seulement des boites BU et/ou BE. Pour des précisions concernant l’effondrement de la côte de ce millésime, voir ci dessous l’article de Michel Prieur en décembre 2006.

En 1997, 1998, 1999 et 2000, il n’y a eu aucune frappe normale, mais seulement des boites BU et/ou BE.

Pour 1994, il semblerait que 6 300 pièces de 10 francs sur les 10 000 frappées aient été mises en circulation (vendues?) dix ans après la frappe.

Bulletin numismatique décembre 2006

Dans le FRANC VI, la boîte BU 1994 cote 700 € et la 10 francs Génie de l’année 350 €. En effet, la boîte contient plusieurs faciales qui n’existent que dans cette boîte (comme les 10 francs) ; vendue à 3.707 exemplaires sur un théorique de 10.000 autorisés, c’est une vraie rareté.

Par voie de conséquence, les millésimes qui n’existent que dans cette boîte sont fort rares et chers.

Hélas, hélas... tout passe, tout lasse, tout casse...

Surtout quand on se rend compte que des rouleaux neufs de ces millésimes circulent dans le commerce depuis quelques mois, et que des exemplaires isolés engorgent le grand site d’enchères en ligne, voire les plateaux des marchands... faisant évidemment chuter les cotes.
En clair, depuis quelques mois, il y a une apparition de tous les millésimes 1994 en rouleaux neufs. Les pièces sont bien entendu authentiques.

Il ne manque donc pas de mauvaises langues et de mauvais esprits pour penser que les 6300 pièces prévues et non utilisées, ainsi que les plaquettes déjà fabriquées et non mises sous boîtes, seraient bêtement sorties de l’endroit dont elles n’auraient jamais dû sortir. En effet, non content de trouver des rouleaux neufs, on trouve aussi des plaquettes de pièces sous plastique, mais sans la boîte. À moins, bien entendu que Lavoisier et Einstein aient tort et qu’il s’agisse d’une simple génération spontanée à partir de l’air ambiant ?

En clair, la cote de la boîte complète (qui reste rare à 3.707 exemplaires) tombe à 400 €, les monnaies contenues étant devenues beaucoup plus faciles à trouver. Quant aux cotes des monnaies, elles tombent à l’équivalent d’une frappe à 10.000 exemplaires, par exemple, la 10 francs vaut aujourd’hui une soixantaine d’euros...

Nous vivons une époque difficile... entre les frappes prévues qui sont dépassées par erreur, comme pour la 2 francs 1995 probablement 50 fois plus fréquente qu’elle ne devrait l’être, et les pièces qui auraient dû être détruites et qui réapparaissent par génération spontanée...

Comment espérer que le public ait confiance dans les chiffres de production de la Monnaie puisque, plus de dix ans après, l’indice de rareté d’un millésime est explosé par cette apparition imprévue ??

Michel Prieur

Sources : Le Franc / Les monnaies, les archives / CGB

MO. PO. MR. PR. coins

  • MO / Matrice originale :
    Le graveur réalise sa gravure en creux, dans un bloc d'acier, qui devient une matrice. Une fois son travail terminé, la matrice est usinée et trempée. Elle s'appelle MATRICE ORIGINALE.
  • PO / Poinçon original :

Cette matrice originale ne servira qu'une seule fois dans sa vie : le graveur va en relever un poinçon, qui devra être la copie absolument conforme de la MO. Ce poinçon subira éventuellement quelques petites retouches techniques, comme le surfaçage des lettres et le réglage du listel. Mais c'est à peu près tout. Ce poinçon s'appelle POINÇON ORIGINAL.

  • MR/ Matrice de reproduction :
    Le PO ne servira pas beaucoup plus que la MO : seulement pour enfoncer quelques (?) matrices appelées MATRICES DE REPRODUCTION.
  • PR / Poinçon de reproduction :
    Ces quelques MR, dûment contrôlées par le graveur, vont permettre de relever une assez grande quantité (?) de poinçons, nommés POINÇONS DE REPRODUCTION.

Ce sont ces PR qui vont être utilisés pour fabriquer les COINS DE PRODUCTION !

Les coins de production ont une durée de vie très courte, moins d'une journée ! Donc les PR vont être très sollicités. Ils devront donc être nombreux (ne me demandez pas combien).
En remontant la chaîne de fabrication, les MR devront aussi être assez nombreuses…
En schématisant, cela donne : 1 MO = 1 PO = 5 MR = 25 PR = des milliers de coins !

Conclusion :
Les sources de différences dues à l'outillage, sont donc extrêmement minimes, limitées au millésime, dernier ou deux derniers chiffres, et au différent du Graveur Général (GG) .

  • matrice originale
  • poinçon original (issu de la matrice originale)
  • matrice de reproduction (issue du poinçon original)
  • poinçon de reproduction (issu de la matrice de reproduction)
  • coin (issu du poinçon de reproduction)

Vocabulaire dans lequel certaines personnes s'embrouillent trop souvent !

  • Matrice et coins : en creux.
  • Poinçon : en relief.
  • Matrice : bloc d'acier portant une gravure en creux, pouvant être une future médaille, ou une monnaie, mais après une transformation très spécifique !
  • Coin : matrice usinée spécialement pour frapper des monnaies !

Jean-Luc Maréchal, le 18 février 2018

Arrêté du 18 septembre 1989 relatif à la frappe et à la mise en circulation de pièces commémoratives de 10 F

NOR: ECOT8916074A

Version consolidée au 31 décembre 2001

Le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget,

Vu la loi de finances pour 1989 (n° 88-1149 du 23 décembre 1988),

Article 1

Modifié par Arrêté 1989-12-28 art. 1, art. 2 JORF 30 décembre 1989

La composition et les caractéristiques des pièces commémoratives de 10 F qui seront frappées, au millésime 1989, par l'administration des Monnaies et médailles pour le compte de l'Etat, conformément au programme prévu dans la loi de finances pour 1989, sont fixées ainsi qu'il suit :

Désignation : pièces en métal commun.

Diamètre (en millimètres) :
23. / tolérance (en millièmes) : plus ou moins 0,05.

Composition :
- coeur : nickel, teneur minimale 98,5 %.
- couronne (et tolérance) :
- cuivre 92 % (plus ou moins 1 %)
- aluminium 6 % (plus ou moins 0,5 %)
- nickel 2 % (plus ou moins 0,5 %).

Poids :
- poids droit : 6,5 grammes.
- coeur : 3,4 grammes.
- couronne : 3,1 grammes.
- tolérance (en millièmes) : plus ou moins 40.

Tranche cannelée en alternance, soit cinq plages lisses et cinq plages cannelées.

Désignation : pièces en or de qualité Belle Épreuve (BE).

Diamètre (en millimètres) :
22,80.

Composition (et tolérance) :
- coeur :
- or 750 / 1000 (plus ou moins 3)
- palladium 150 / 1000 (plus ou moins 5)
- argent 100 / 1000.

- couronne :
- or 920 / 1000 (plus ou moins 3)
- argent 40 / 1000 (plus ou moins 5)
- cuivre 40 / 1000.

Poids (et tolérance) :
- coeur : 6 grammes (plus ou moins 3).
- couronne : 6 grammes (plus ou moins 9).

Tranche lisse.

NOTA : L'ordonnance 2000-916 du 19 septembre 2000 est entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Elle substitue l'euro au franc.

Article 2

Ces pièces sont destinées à célébrer le trois centième anniversaire de la naissance de Montesquieu.

Leur gravure sera réalisée par l'atelier des Monnaies et médailles.

L'avers reproduit la gravure créée par Henriquez au XVIIIe siècle. Il représente un profil de Montesquieu. En légende, les inscriptions suivantes : “République française” “Montesquieu”.

Le revers est celui de la pièce de 10 F “Génie de la Bastille”. Il est conforme au modèle créé par l'atelier de gravure des Monnaies et médailles. Il comprend : la valeur faciale 10 F, le millésime, la devise : “Liberté, Egalité, Fraternité”.

NOTA : L'ordonnance 2000-916 du 19 septembre 2000 est entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Elle substitue l'euro au franc.

Article 3

Les émissions des pièces définies à l'article 1er seront limitées à :

Pièces en métal commun 15 000 exemplaires.

Pièces en or de qualité “Belle Épreuve” 5 000 exemplaires.

Le total étant de 20 000 pièces.

NOTA : L'ordonnance 2000-916 du 19 septembre 2000 est entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Elle substitue l'euro au franc.

Article 4

Modifié par Arrêté 1989-12-28 art. 3 JORF 30 décembre 1989

Le prix de cession des pièces visées par le présent arrêté sera fixé, après accord du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, par décision du directeur des Monnaies et médailles. Il comprendra notamment, en sus de la valeur faciale, les coûts de frappe, de composition, de conditionnement et de commercialisation.

NOTA : L'ordonnance 2000-916 du 19 septembre 2000 est entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Elle substitue l'euro au franc.

Article 5

Le présent arrêté sera publié au Journal officiel de la République française.

PIERRE BÉRÉGOVOY.

L'ordonnance 2000-916 du 19 septembre 2000 est entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Elle substitue l'euro au franc.