Graveur sur Acier

24. But et utilité d'un plâtre

La question m’a été posée par Jean-Charles Viguier et peut-être par d’autres membres du groupe, alors je vais expliquer ce qui me semblait évident, mais ne l’est donc pas. 

NB — Je traiterai dans un deuxième article de la technique du plâtre !

Vous savez déjà qu’il existe deux grandes catégories de gravure : la taille directe et la réduction au tour. On peut y ajouter des techniques plus occasionnelles comme la gravure à l’acide et surtout la gravure pilotée par ordinateur (CFAO).
Restons simples et traditionnels. Pour la taille directe, on se contente d’un bloc d’acier, mais on n’a alors qu’un seul module de sa gravure. Si l’on veut un autre diamètre, on aura un travail plus ou moins ressemblant, mais pas totalement identique ! Et puis, il faut être graveur, ce qui n’est pas donné à tout le monde !

Dans le cas où le créateur n’est pas graveur et aussi lorsque le client désire plusieurs modules, on va travailler à une échelle plus grande que le résultat voulu, entre 3 et 6 fois, et faire des réductions au tour à réduire.
Le graveur ou le médailleur/sculpteur va donc créer un modelage. (Voir l’article n° 9. Boîte + outils à modelage).
Les anciens comme Oscar Roty utilisaient la cire à modeler. Actuellement, nous avons deux matières à notre disposition : la terre glaise, que l’on va utiliser pour les très grands modules, et la plastiline® pour les cas les plus fréquents.

La terre glaise sèche à l’air, il faut donc l’emmailloter chaque soir et l’humidifier. Je m’en suis servi lorsque j’étais à l’école Boulle et plus tard, dans ma période artisan, mais je n’ai jamais vu un seul graveur l’utiliser à l’AdG.
La pâte à modeler est une substance grasse, qui ne sèche pas, et a nettement notre préférence. On parle systématiquement de plastiline, mais il faut préciser que c’est une marque « Plastiline® ». Elle existe en plusieurs duretés, que l’on va choisir en fonction du but à atteindre : la plus molle pour les gros modules, les hauts reliefs et un travail « enlevé », la plus ferme pour le monétaire, et à chaque fois que beaucoup de détails vont être recherchés.

Le graveur va réaliser son modelage et le pousser le plus loin possible :

1. Modelage en relief =› plâtre ou résine en creux pour la fonderie

Le modelage est l’étape la plus importante du travail. Il ne faut pas croire que l’on va sauver son travail dans les étapes suivantes. Il est même possible de terminer le travail à ce stade ! Le modelage va alors être moulé en plâtre par le graveur, qui va ensuite le confier aux fondeurs qui vont réaliser la fonte pour le tour à réduire, ou aux « résineux » (Atelier des résines) ce qui est de plus en plus souvent le cas.
C’est le modelage qui sert de sauvegarde, et donc il est conservé soigneusement à l’abri dans la boîte.
Exemples : Jardin secret et Opéra Comique.

2. Plâtre en creux pour la suite du travail

Si le graveur veut apporter des finitions à son modelage, des détails et notamment du texte, il va graver dans ce premier plâtre en creux. Le travail peut être considéré comme fini : avant de le confier aux fondeurs, le graveur va couler un plâtre de sauvegarde, qui sera donc un relief.
Exemple : Van Gogh.

* Dans le cas du monétaire, on s’en tiendra très rarement à cette étape.

3. Plâtre en relief pour la fin du travail

Ce plâtre de sauvegarde en relief va aussi être travaillé. Au minimum, le graveur va peaufiner son texte, en surfaçant les lettres. Mais beaucoup de détails vont être apportés à ce stade.
Exemples : Braille, Champollion, Mozart…

4. Dernier plâtre en creux, pour les fondeurs ou les résineux

Le dernier relief est soigneusement conservé par le graveur ! Mais vous imaginez qu’avec les années, le nombre de plâtres augmentant, on en détruit beaucoup… On ne garde que ceux que l’on préfère, sans penser aux gens dont on fera connaissance 20 ou 40 ans plus tard ! (n’est-ce pas Jean-Charles Viguier ?)

N.B.1 : Chaque plâtre coulé comporte des risques d’incident, de déformation… On en limitera le nombre au minimum indispensable ! Donc, à chaque étape, il ne faut rien oublier.

N.B.2 : Le travail du plâtre est à la fois artistique et technique. Beaucoup de médailleurs extérieurs à la Monnaie nous confiaient leurs modelages pour que nous en réalisions les étapes suivantes, sur plâtre. Ainsi, nous avons travaillé pour Dali, César, Bezombes, Trémois, etc. ! Je me souviens d’un artiste arrivant à l’AdG avec une feuille de chou épinglée sur une planche, pour en faire une médaille…

Jean-Luc Maréchal, le 3 février 2018

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