Graveur sur Acier
25. Technique de moulage des plâtres
Je vous ai raconté dans l’article précédent pourquoi l’on faisait des plâtres. À présent, je vais tenter de vous expliquer comment on les fait !
Les ingrédients
— Tout d’abord, on se procure du plâtre « à modeler », que l’on stocke dans un lieu bien sec…
— On va avoir besoin de gamelles en plastique, si possible souples, bien propres. Besoin aussi d’une louche, d’une cuillère à soupe, d’un fouet de cuisine, des pinceaux doux, d’éponges…
— Il nous faut de l’huile de pied de bœuf. Attention, depuis la crise de la vache folle, sont apparues de fausses huiles, appelées « façon pied de bœuf » ou « type pied de bœuf »… Et même des professionnels du traitement du cuir vous en proposeront !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Huile_de_pied_de_b%C5%93uf
— Il nous faut du savon noir liquide… On va donc diluer un peu de savon noir du commerce, que l’on va stocker dans une ou plusieurs bouteilles. Je ne sais plus les proportions, mais ce doit être de l’ordre d’un volume de savon pour dix volumes d’eau…
1) — Nous avons, comme premier exemple, besoin de couler un plâtre sur un modelage en plastiline. On doit d’abord faire un cerclage qui doit être solide et assez haut en fonction de l’épaisseur de plâtre voulue. On réalise ces cerclages avec des bandes de plastique souple, que l’on règle au diamètre voulu, et que l’on cale avec des boules de plastiline (cf croquis n°1) et on réalise l’étanchéité la meilleure possible, toujours à la plastiline.
Pas de problème de démoulage pour la plastiline, puisqu’elle est naturellement grasse…
On se contente de passer un peu d’huile sur la plaque support. Quand je dis « un peu », c’est vraiment un tout petit peu : on trempe une seule fois le bout de son pinceau dans l’huile, et on badigeonne la surface : une seule petite goutte d’huile de pied de bœuf suffit largement à couvrir deux décimètres carrés ! Trop d’huile créerait un phénomène de ventouse.
Notre modelage est bien cerclé, posé sur un plan de travail horizontal… On va passer à la phase de préparation du plâtre !
On remplit une gamelle à mi-volume d’eau froide. On prend du plâtre avec la louche, et on le saupoudre dans l’eau. Pas question d’en verser des grosses quantités d’un coup ! Le saupoudrage va durer plusieurs minutes, jusqu’à ce que le plâtre arrive « à fleur d’eau ».
Il fait alors une sorte de croûte beige clair, un peu grumeleuse et molle… (cf croquis n°2)
À ce stade, on va brasser son plâtre à la main ou plutôt au fouet de cuisine, jusqu’à obtenir un mélange fluide et homogène. On va alors le faire vibrer pour en faire sortir les bulles d’air enfermées. Si l’on fait souvent des plâtres, on va s’équiper d’une « débulleuse », une machine à faire le vide (un vide très relatif), sinon, on fait vibrer manuellement sa gamelle pendant une minute environ…
On procède à la coulée du plâtre : on verse doucement une petite quantité de plâtre dont on va faire en sorte qu’elle recouvre tout son travail d’une fine couche. On peut se servir d’une cuillère qui facilitera l’opération. (cf croquis 3) On va vérifier que l’on n’a pas emprisonné de bulles d’air dans les creux, soir en passant un pinceau doux, soit en soufflant avec une « paille ».
Puis, on reprend la coulée du plâtre jusqu’à avoir l’épaisseur souhaitée.
On va alors procéder à un nouveau « débullage » par vibration. (cf croquis n°3 bis)
On laisse maintenant le plâtre prendre, c’est-à-dire durcir. La réaction n’est pas très longue à se produire, elle passe par une étape de dégagement de chaleur assez important.
Une fois la température complètement redescendue, le plâtre est pris, on peut démouler.
On enlève le cerclage, on soulève le plâtre avec délicatesse, et on admire le résultat…
Si tout s’est bien passé, un simple raclage des bavures suffira.
On laisse sécher son plâtre gentiment.
2) — Si l’on a besoin d’un plâtre en relief, on va devoir mouler plâtre sur plâtre. C’est une étape plus risquée. Si vous le faisiez sans précautions, le résultat serait catastrophique, d’où la nécessité de conserver votre modelage dans sa boîte, comme sauvegarde !
Vous avez votre plâtre en creux, retouché et surtout bien séché.
On va le cercler comme on avait fait pour le premier, en faisant une étanchéité parfaite. On va remplir notre plâtre de savon noir liquide, que l’on va laisser deux ou trois heures, en remuant de temps en temps, délicatement avec un gros pinceau. Si l’étanchéité n’est pas parfaite, vous n’aurez plus qu’à éponger votre savon noir qui aura coulé au sol !
Puis on va vider notre savon, que l’on peut récupérer, car on pourra s’en resservir de nombreuses fois, tant qu’il ne devient pas trop chargé de « lait de plâtre ».
On va alors essuyer délicatement son plâtre d’abord avec un gros pinceau souple, puis avec du coton hydrophile. Lorsque le plâtre est bien sec, on va le lustrer avec un tampon de coton bien propre : ça doit briller !
C’est à ce moment que l’on va huiler le plâtre : on trempe légèrement un pinceau souple dans l’huile de pied de bœuf, on dépose une petite goutte sur le dessus de sa main : c’est cette quantité qui va suffire pour huiler un plâtre de 20 à 30 cm de diamètre ! Il faut veiller à ne pas oublier les dépouilles qui sont les zones les plus sensibles ! (Les dépouilles sont les parties les plus proches de la verticale)
Une fois cette imperméabilisation réalisée, on va procéder comme pour le premier plâtre : on gâche son plâtre, on le débulle, on le coule, on débulle à nouveau, on laisse prendre, refroidir, on défait le cerclage.
On peut alors procéder au démoulage, moment d’un petit pincement au cœur ! On peut faire une traction avec les mains, on peut s’aider avec un petit outil pour faire bras de levier. Dans tous les cas, il faut éviter qu’un des plâtres ne vous échappe de doigts…
Si les deux plâtres ne veulent pas se séparer, vous allez les tremper dans l’eau, mais uniquement celui du dessous qui était sec. L’eau va s’infiltrer, et souvent cela suffit pour faciliter le démoulage… On peut aussi utiliser l’air comprimé, lorsque l’on en est doté, en soufflant légèrement entre les deux plâtres tenus verticalement…
Un petit nettoyage à l’eau claire, une journée de séchage, et vous voilà avec votre plâtre en creux, prêt à continuer le travail, par exemple des retouches suivies d’un autre moulage…
Je rends hommage à Denis Chatelain, alias « Pupuce » qui a tenu l’atelier de moulage des plâtres, et qui avait eu beaucoup, vraiment beaucoup de soucis à ses débuts, et avec qui j’ai passé beaucoup de temps à rechercher les causes et les remèdes…
PS1 : Précaution importante : ne laissez ni votre chat ni vos enfants s’approcher de vos plâtres ! (cf photo)
PS2 : Je ne vous raconte pas comment on procédait dans les années 1962-66 à l’École Boulle ☹
PS3 : La Maison Maréchal décline toute responsabilité en cas d’échec de vos moulages…