Il était une fois...

Le Génie de la Liberté... Sur la Colonne de Juillet...

Sise place de la Bastille... À Paris

Ce site étant dédié prioritairement à la pièce de 10 francs, dite « Génie de la Liberté », il fallait bien que je vous fasse un article pour raconter l’histoire de ce lieu et de sa célèbre statue.

Fond

La Forteresse de la Bastille (dite prison de la Bastille)

Sources CMN – Centre des Monuments Nationaux

1200

Le quartier de la Bastille n’a pas toujours été au cœur de Paris. Au milieu du Moyen-Âge, cette zone se trouve en dehors des murs de la ville. L’enceinte de Paris, édifiée par Philippe-Auguste autour de l’an 1200, passe alors 500 mètres plus loin, au niveau de l’actuel métro Saint-Paul.

Un siècle et demi plus tard, Paris déborde de ses murs, rendant cette muraille inefficace contre les menaces. Alors que la guerre de Cent Ans fait rage, il est urgent de protéger la capitale des Anglais.

1365-1420

En 1365, le roi Charles V se lance dans la construction d’une nouvelle enceinte : le chantier est achevé 65 ans plus tard, en 1420.

Cette nouvelle fortification est percée de six portes, qui permettent d’entrer et de sortir de la ville. Elles forment autant de points faibles dans le dispositif de défense. À l’est, le seul point de passage entre la Seine et le quartier du Temple est la porte Saint-Antoine. De cette porte part la route qui mène àVincennes, où le roi possède un château, dont le donjon, notamment, subsiste encore.

La route vers Vincennes est d’un intérêt stratégique majeur pour le roi : il est donc nécessaire de protéger la porte Saint-Antoine. Un autre chantier de taille s’ouvre par conséquent dès 1356 : celui de la forteresse qui porte d’abord le nom de Bastille-Saint-Antoine. En 1369, l’enceinte de Charles V, dont le chantier est bien entamé, vient entourer la Bastille, qui se trouve donc englobée dans les murs de la ville.

Par son emplacement, la forteresse contrôle et protège la porte Saint Antoine des menaces extérieures… mais pas uniquement : elle peut aussi, en cas de révolte, protéger le roi contre son peuple. De son hôtel Saint-Pol, situé non loin, le souverain peut facilement gagner la Bastille. Une fois en sécurité dans la forteresse, le roi peut poursuivre sa retraite vers Vincennes : les canons de Bastille tiendraient à distance des insurgés.

Avec ses huit tours et ses larges fossés alimentés par l’eau de la Seine, la Bastille domine la ville. Caserne, arsenal et même dépôt du trésor royal, la forteresse joue plusieurs rôles. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, elle n’est pas totalement imprenable.

Pour preuve, au cours de son histoire, elle est prise une dizaine de fois, tantôt par la foule (en 1413, 1418, 1589), tantôt par des troupes militaires (en 1436, 1591, 1594, etc.).

1670

En 1670, Louis XIV ordonne la destruction des murs d’enceinte de la capitale : Paris est désormais une ville ouverte. À la place des remparts se déploient désormais de larges boulevards. Les portes fortifiées sont transformées et présentent désormais l’aspect de portes triomphales à l’antique.

Dans ce contexte, le rôle militaire de la forteresse de la Bastille décline, bien qu’elle jouxte les quartiers les plus agités de la capitale. À l’époque, et depuis quelques années déjà, elle fait office de prison d’État. Richelieu avait commencé à y placer des prisonniers arrêtés sur lettre de cachet, c’est-à-dire sur décision royale, sans passer devant la justice.

Si certains détenus ont marqué l’histoire, comme Sade, Voltaire ou le mystérieux masque de fer, incarcérés pour « faits de lettres » ou « atteinte à la sûreté de l’État », la plupart des détenus sont enfermés là pour étouffer des affaires de famille. On embastille volontiers, avec l’accord du roi, un fils volage, dépensier ou désobéissant. Cet usage a perduré pendant plus d’un siècle.

Imposante, la Bastille est très onéreuse à entretenir et ce budget pèse sur les caisses royales. Àfin de réaliser des économies, Louis XVI a pour projet de démolir la vieille forteresse, mais la Révolution ne lui en laisse pas le temps...

1789

En juillet 1789, le peuple de Paris est déjà depuis plusieurs semaines en proie à l’agitation. Pour rétablir l’ordre, le roi envoie à Paris des troupes. Les Parisiens, observant les forces armées se masser autour de la ville, se décident à prendre les armes. Le matin du 14 Juillet, la foule prend d’assaut les Invalides, où sont entreposés de nombreux fusils. Mais si les armes sont là, il manque la poudre. Or, de la poudre, il y en a à la Bastille : la vieille forteresse, promise à la démolition, fait alors à la fois office de prison et d’arsenal. Une délégation vient négocier la remise de ces munitions au peuple. La foule, amassée devant les remparts de la Bastille, craint que les canons ne lui tirent dessus. La situation dégénère et l’assaut de la forteresse est donné dans l’après-midi par la foule, à laquelle se joint une partie des soldats censés défendre l’édifice.

1790

Le 14 juillet 1790, on dresse des structures provisoires sur les fondations arasées : des gravures témoignent de ce premier anniversaire de la place de la Bastille.  À ce lieu emblématique des événements de 1789, il faut un monument commémoratif. Dès 1789, les projets affluent : l’idée d'une colonne revient plusieurs fois, encore couronnée de la figure du Roi.

1793

C’est finalement une fontaine que l’on érige en 1793 : la Fontaine de la “Régénérence” nationale.

Un éléphant de bronze au centre de la place de la Bastille ? C’est pourtant un monument que les Parisiens auraient pu admirer au quotidien si Napoléon Ier avait eu le temps de mettre à exécution ses projets pour la place.

La place de la Bastille est, pour les régimes qui succèdent à la Révolution, un lieu difficile à investir, tant il est associé à la mémoire des événements de 1789. Lorsqu’il accède au pouvoir, Napoléon Ier a de grands projets pour la capitale, et notamment pour l’aménagement de ses places. À l’emplacement de la forteresse démolie, il envisage dans un premier temps d’ériger un arc de triomphe similaire à celui qu’il destine à la place de l’Étoile.

1806

En 1806, cependant, le projet est totalement revu : plutôt qu’un arc de triomphe, la place de la Bastille accueillera une fontaine. Il s’agit par là de valoriser le canal Saint-Martin, dont l’empereur a décidé la construction quelques années auparavant et dont l’apport en eau profite aux Parisiens.

À la demande de Napoléon Ier, cette fontaine doit prendre la forme d’un gigantesque éléphant. Ce projet reflète les goûts exotiques de l'époque. L’animal, richement paré, doit également évoquer les gloires militaires de l’antiquité ainsi que les figures d’Alexandre et d’Hannibal : une manière de célébrer le pouvoir impérial et ses victoires. Mais la figure de l’éléphant est aussi le symbole de la puissance du peuple.

1810

L’ingénieur Alavoine est chargé du projet. Si elle séduit l’empereur, la figure de l’éléphant est loin de susciter l’adhésion de son entourage. Pour juger de l’effet, Vivant Denon commande en 1810 une maquette en plâtre et à échelle d’exécution de l’éléphant. Celle-ci est installée au centre de la place pour juger de l’effet de la future fontaine. La version définitive de l’éléphant, quant à elle, doit être fondue dans le bronze des canons pris à l’ennemi.

La chute de l’Empire suspend les travaux, alors que seuls les fondations et le socle de la fontaine sont achevés. La décision de Louis-Philippe d’élever à cet emplacement la colonne de Juillet condamne l’éléphant. La maquette en plâtre, très dégradée, reste encore une quinzaine d’années au débouché de la rue de Lyon et du Boulevard de la Bastille, avant que sa destruction ne soit décidée en 1846. Entre temps, Victor Hugo, en y situant le refuge de Gavroche dans son roman Les Misérables inscrit définitivement ce pachyderme de plâtre dans la mémoire collective.

La colonne de Juillet

Sources CMN – Centre des Monuments Nationaux

1830

Tout commence en 1830 : le roi Charles X (frère de Louis XVI et de Louis XVIII, auquel il a succédé) est au pouvoir depuis six ans. Lui qui a, au début de son règne, pris quelques mesures libérales comme l’abolition de la censure des journaux tente progressivement de revenir à une royauté plus conservatrice. Il décide la modification du système électoral et la suppression de la liberté de la presse, deux mesures qui le rendent impopulaire.

Les Parisiens se soulèvent et élèvent des barricades dans la capitale : ce sont les Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830) ou Révolution de Juillet, que Delacroix immortalise quelques semaines plus tard dans un tableau célèbre, La Liberté guidant le peuple.

Cette Révolution n’aboutit cependant pas à la mise en place d’une république, mais d’une monarchie constitutionnelle, la Monarchie de Juillet. Louis-Philippe, le duc d’Orléans, s’installe sur le trône sous le titre de Roi des Français.

Louis-Philippe veut rendre hommage à ceux qui ont combattu pour cette Révolution qui l’a amené au pouvoir. En décembre 1830, il décide d’ériger un monument commémoratif place de la Bastille, à l’emplacement prévu par Napoléon pour son éléphant.

1831

La première pierre de la colonne de Juillet est posée en juillet 1831 à l’occasion du premier anniversaire de la Révolution. Alavoine, l’ingénieur qui a conçu l’éléphant de Napoléon, est chargé de mener ce nouveau projet. Par souci d’économie, on conserve de la fontaine antérieure les fondations et les structures basses, sur lesquelles prend appui la colonne.

1840

Le 28 juillet 1840, aux accords d’une symphonie “funèbre et triomphale” de Berlioz écrite pour l’événement, les corps des 504 morts de la Révolution de 1830 sont transférés dans le caveau de la colonne. Ce monument commémoratif est aussi une nécropole ! Le nom de chacun des défunts est gravé sur le fût de la colonne.

 

Et le Génie de la Liberté ?

Sources CMN – Centre des Monuments Nationaux

Des cryptes au sommet, découvrons l’anatomie de la colonne de Juillet ! 

Le canal Saint-Martin coule sous la colonne de Juillet : les fondations qui supportent le monument ont été construites à cheval sur la voie d’eau. Depuis le péristyle intérieur, deux ouvertures offrent une vue plongeante sur le canal et sur les bateaux qui y circulent encore.

De part et d’autre du canal, deux cryptes se déploient en demi-cercle. C’est là qu’ont été placés les restes des sept cents victimes des révolutions de juillet 1830 et février 1848.

Le socle qui supporte la colonne est la partie la plus ancienne du monument : il date du Premier Empire et avait été conçu pour soutenir l’éléphant-fontaine voulu par Napoléon Ier. Ces maçonneries sont conservées lors de la construction de la colonne, dans les années 1830.

Ce socle est constitué d’un soubassement circulaire de marbre rouge, sur lequel s’appuie un second soubassement carré orné de 24 médaillons et d’un troisième soubassement décoré de têtes de lion. Une mosaïque et un pavage agrémentent les deux terrasses : si leurs élégants motifs géométriques ne sont pas visibles depuis le sol, il est possible de les admirer en montant sur la terrasse de l’Opéra.

La colonne

179 500 kilogrammes de bronze ont été nécessaires pour fabriquer la colonne de Juillet. La partie métallique est constituée d’un piédestal cubique qui soutient un fût de 23 mètres de haut, couronné par un chapiteau composite.

Le piédestal de bronze est décoré d’un relief figurant un lion, et de quatre coqs. Ces figures sont l’œuvre du célèbre sculpteur animalier Barye. Un poème de Victor Hugo, écrit pour la Colonne, complète cet ensemble.

Le fût de la colonne comprend trois registres d’inscriptions : figurent ici les noms des 504 victimes des Trois Glorieuses de Juillet 1830, gravés dans le bronze et dorés à la feuille d’or.

L’intérieur de la colonne est creux : un étroit escalier de 200 marches permet d’accéder au sommet. Entièrement fondu en bronze et dans un très bon état de conservation, cet escalier est une véritable prouesse technique.

Le Génie ailé

 Le célèbre Génie ailé, perché à 52 mètres du sol, domine la place de la Bastille.

Vu du sol, le Génie ailé de la Bastille peut paraître petit : pourtant, cette statue dorée mesure près de quatre mètres de haut ! Elle est l’œuvre du sculpteur Auguste Dumont*.

Pour en admirer de près toutes les qualités esthétiques, rendez-vous au Musée du Louvre : il en expose une réplique réduite de moitié*.

Brandissant un flambeau et une chaîne brisée, ce génie symbolise la Liberté. Mais pourquoi donc ne pas l’avoir représentée sous des traits féminins, comme dans le célèbre tableau de Delacroix, la liberté guidant le peuple ? C’est qu’une figure féminine évoque trop la république, or, c’est une nouvelle monarchie qu’a mise au pouvoir la Révolution de 1830.

Le sculpteur Auguste Dumont* (1801-1884) est l’auteur du Génie ailé en bronze doré qui surmonte la Colonne de Juillet. C’est son œuvre la plus célèbre. Dumont a réalisé de nombreuses autres statues qui ornent les rues et monuments de Paris. Il est notamment l’auteur du Napoléon de la Colonne Vendôme, copie d’une version antérieure, réalisée sous le Premier Empire par Chaudet.

Le Génie et moi

Vous avez lu l’histoire de la naissance de cette pièce de 10 francs. Je ne recommencerai pas ici. Je répèterai juste que j’ai passé de très bons moments dans cette grande aventure, et j’en ai tiré beaucoup d’enseignements, que je suis heureux de partager avec vous.

Je remets juste quelques dessins* et les plombs d’essai* de mon travail.

Une récente émission “laissez-vous guider”, avec Stéphane Bern, nous a permis des vues rares sur notre sujet de prédilection. La vidéo étant indisponible, je vous offre des captures de l’écran de ma télévision que j’avais heureusement réalisées !

Classée monument historique en 1995, témoin du XIXe siècle, par son histoire et son architecture, la colonne devait être rouverte à la visite en 2020

PS :

En 1989, pour le centenaire de la Révolution Française, il a été édité des répliques en bronze du Génie de la Liberté, d’environ 50 cm de haut.

Je regrette de ne pas en avoir acheté une à l’époque…

Alors, si vous en voyez une dans une brocante, pensez à moi !

Merci.

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10 francs Génie de la Liberté

La colonne de juillet

Emission “laissez-vous guider” avec Stéphane BERN et Lorànt Deutsch sur France 2