Graveur sur Acier

29. La drille à pompe

La drille, voici le nom d’un outil qui ne dit rien à la plupart d’entre vous… et pourtant…

Entre 1962 et 1966, à l’École Boulle, on nous a fait découvrir un maximum de techniques de gravure, surtout les plus modernes, et les anciennes, mais pas toutes ! Quelques années plus tard, j’ai eu à graver un perlé (voir article n°6) sur une matrice de couvert Louis XVI, et j’ai découvert ce curieux instrument dont je vais vous parler.

D’abord, observez bien ma drille, avec la décomposition de son enroulement et déroulement, ainsi que quelques reconstitutions historiques… (fig.1 à 7). Notez bien que l’on dit une drille. Un drille, c’est, au XVIIe s. un soldat vagabond, qui n’hésitait pas à mendier l’arme à la main. Un drill, c’est un singe proche du babouin.

Notre drille est la lointaine ancêtre de la perceuse. On la cite chez les Égyptiens, mais je n’ai trouvé qu’une mauvaise illustration (fig.8).
Elle est attestée en Italie au XIIIe s. sur une sculpture de Giotto di Bondone (fig.9).
Elle est aussi représentée dans les mains d’un décier1, sur le livre des jeux d’Alphonse X de Castille, 1251-1283 (fig.10).
Cet outil est surtout utilisé par les bijoutiers et les métiers proches, dont les graveurs.

Le principe est simple : on met en mouvement un volant d’inertie, mis en va-et-vient autour d’un axe vertical, par un bras horizontal et une lanière. Dans le mandrin, on fixe soit un outil de coupe, soit un outil à polir.

L’outil de coupe peut être une mèche simple qui permettra de creuser des petits trous, perles ou autres formes rondes. Il peut être à plusieurs dents ce qui va permettre de graver des ocelles, décors très fréquents au Moyen-Âge (fig.11 et 12).
Si l’on fixe un bois dur et que l’on ajoute un abrasif, l’on va pouvoir polir les perles que l’on aura précédemment préparées… C’est le cas en monnaie (fig.13) et en orfèvrerie (fig.14).
Le geste est simple, une lorsque l’on a compris qu’il fallait laisser remonter la poignée horizontale une fois arrivée à son point bas ! Le geste doit être souple, sans à coup. Une fois bien maitrisé le fonctionnement en position verticale, on va apprendre à incliner l’outil, pour les cas où il serait nécessaire de légèrement déplacer le trou réalisé.

Vous comprenez que l’on peut avoir utilisé la drille pour réaliser les perlés de beaucoup de monnaies à l’époque classique. Mais surtout, j’ai l’intime conviction que cet outil était très utilisé par les graveurs gaulois, ce qui explique le style particulier, même unique, de leurs monnaies (fig.15 à 18). Ils ne devaient pas disposer de très bons outils de coupe (burins et échoppes).
Que pensez-vous de mon hypothèse ?

PS1. Les tailleurs de pierre utilisaient, et encore maintenant, la drille à archet. J’ai eu l’occasion de m’en servir lors de mes stages de taille de pierre et je me suis demandé pourquoi ces deux types d’outils avaient cohabité.
J’ai eu la réponse facilement : la drille à pompe ne fonctionne qu’à la verticale ou avec une inclinaison ne dépassant pas les 45°. La drille à archet permet de travailler tant à l’horizontale que complètement en l’air (fig.19) !

PS2. Merci à Matthieu pour son reportage sur le musée du Moyen-Âge à Paris et à sa photo.

1- Décier : fabricant de dés au Moyen-Âge.

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