Legs et légataires

Dans ma présentation, je vous ai expliqué brièvement pourquoi j’ai entrepris cette longue, difficile et belle aventure que celle de léguer mon patrimoine de graveur. Il est temps que je développe ce sujet…

Je ne suis pas du genre à philosopher, mais de temps en temps, on peut être amené àse poser des questions !

Lorsque j’ai pris ma retraite de la Monnaie de Paris, le 15 novembre 2006, le jour de mes 60 ans, j’ai entassé dans des cartons mes outils, mes archives, et le bazar qui encombraient les tiroirs de mon établi que je n’avais pas eu le temps de trier, et j’ai ramené ça chez moi. Au printemps 2007, lorsque je suis parti pour Cluny, ces cartons ont rejoint ceux de notre déménagement…

J’ai continué à vivre dans l’anonymat de mon passé professionnel, et j’ai commencé une nouvelle vie dans ma maison médiévale, à la restaurer, et à m’intégrer dans une nouvelle vie associative à Cluny.

En 2003, j’avais vécu douloureusement le décès de ma sœur et de mon beau-frère, et j’ai vu comment il était difficile de chercher à léguer leurs biens, meubles, livres, photos, disques… Rien n’avait été vraiment prévu, et beaucoup de choses sont parties à la déchetterie ou chez un brocanteur, gommant une bonne partie de leur existence. Cette occasion et d’autres plus récentes m’ont conduit à me poser la question de ce qu’il resterait derrière moi, à mon décès.

Derrière moi, je laisserai principalement deux garçons qui feront vivre mon nom. L’aîné, Loïc, est ingénieur à l’INRIA (Institut National de Recherche Informatique), et le cadet, Olivier, crée des sites Internet, dont celui-ci, 10francsgenie.fr

Je laisserai plus modestement le récit d’un de mes voyages à vélo en Roumanie (publié dans ces colonnes)* ainsi qu’un autre récit de mon voyage en Mauritanie (publication prévue pour 2020)*. Ceux-ci qui ne trôneront sûrement jamais dans les rayonnages de l’Académie Française !

Depuis ma retraite à Cluny, j’ai également écrit quelques articles pour le bulletin du Centre d’Études Clunisiennes, et je mène des recherches en vue d’une publication plus importante concernant l’histoire de la maison… Mais c’est à peu près tout ce qui fera vivre mon nom… à part… à part ce qui nous amène au sujet de mes Legs !

Mon travail le plus diffusé est aussi le plus anonyme, bien que fabriqué à près d’un milliard d’exemplaires (979 millions, à vérifier) !!!

Vous savez cela depuis trois ans. Si je n’avais pas été débusqué, mes autres créations, même celles que j’ai signées, ne m’auraient pas survécu.

Depuis mon arrivée à Cluny, je suis très actif sur les réseaux sociaux, notamment dans des groupes dédiés au patrimoine. Je suis même le créateur de plusieurs pages.(Voir les liens)

Un beau jour de septembre 2017, je vois une page « LA SEMEUSE DE ROTY » https://www.facebook.com/groups/La.Semeuse.de.Roty/

Je m’y intéresse, j’y mets un commentaire qui disait que ce nom faisait partie de mes souvenirs professionnels. L’administrateur de ce groupe, Rida Roty, me demande pourquoi, comment. Je lui réponds que j’ai fait ma carrière à la Monnaie de Paris. Il me questionne à nouveau, et je lui dis que mon travail le plus connu est la pièce de 10 francs « Génie de la Liberté ». À partir de cet instant, tout s’est accéléré. Rida fait part de sa découverte dans d’autres groupes, ce qui m’a conduit à découvrir ce monde de la numismatique qui était totalement inconnu pour moi !

J’ai alors dû répondre à des questions en rafale, ça partait dans tous les sens. L’incrédulité régnait encore. J’ai repéré rapidement deux très curieux : Jean-Charles Viguier et Ludovic Bru. Ces deux-là se sont concertés, et Ludovic a immédiatement créé la page Facebook « 10 Francs Génie toutes ses histoires » : https://www.facebook.com/groups/10francsGenie/.

Un peu plus tard, je repère un tout jeune, Albin Rey, bien actif aussi. Rapidement, j’ai commencé à écrire des petits articles (actuellement au nombre de 30), souvent agrémentés de petits dessins, pour les rendre le plus compréhensibles possible. Pour écrire ces articles, j’ai regardé les maigres traces que j’avais sur mes étagères ou dans mes vitrines. Je me suis alors souvenu de mes cartons de déménagement, bouclés en 2006 et restés dans l’oubli. Ce fut le choc pur moi : des médailles, des pièces, des plombs, des dessins, des outils… Des classeurs, des dossiers, des sous-dossiers… Un inventaire à la Prévert ! J’avais de quoi continuer mes articles, en y joignant aussi des photos, et l’engouement a été important.

Les mois passants, il m’est venu l’idée de léguer mes biens, après les avoir inventoriés et décrits. Si cette décision a été facile à prendre, elle a été plus difficile à mettre en œuvre. Je n’ai pas le souvenir détaillé de cette période bouillonnante et brouillonne, je compte sur mes légataires pour être plus précis que moi.

1. Ludovic Bru

J’ai facilement choisi de léguer à Ludovic Bru (presque) tout ce qui concernait la pièce de 10 francs. Ce ne fut pas la partie la plus volumineuse du legs, mais historiquement, elle pèse lourd.

https://www.facebook.com/ludovic.bru.5836

https://www.facebook.com/ludovic.bru.9

2. Jean-Charles Viguier

J’ai ensuite légué toute la partie outillage à Jean-Charles Viguier, car il avait une attirance nette pour ce domaine. Puis, j’y ai joint mes autres travaux monétaires, sous forme de dessins, de plâtres, de résines, et plus rarement de pièces(quelques années au préalable, j’ai dû faire face à des difficultés financières, et j’avais vendu, au poids du métal, la quasi-totalité de mes pièces en argent… J’en rage encore).

https://www.facebook.com/groups/DesGaulois/
https://www.facebook.com/groups/rotylagriffoul/
https://www.facebook.com/jeancharles.viguier?comment_id=Y29tbWVudDoyNzE0ODg0NzUyMTAzMjAwXzI3MTQ5MDU0MTg3Njc4MDA%3D

Ce legs a été très volumineux, et le travail effectué par « JCV » m’a incité à le compléter au fur et à mesure de mes découvertes.

3. Albin Rey

Pour Albin Rey, malgré son très jeune âge (13 ans à l’époque), j’ai pris le risque de lui attribuer une partie modeste, mais non négligeable, de mon patrimoine. La part la plus notable fut mon travail sur la 100 francs « Germinal de Zola ». *

https://www.facebook.com/albin.rey.796/about?lst=644734782%3A100021985057656%3A1597153270

PS : Albin avait eu l’idée d’écrire un article sur Émile Rousseau, pour le groupe « Les méconnus de la numismatique » *

https://www.facebook.com/groups/285008052138241/

Ce projet a beaucoup piétiné… La Monnaie de Paris ne répondait pas à ses demandes… Un jour, Albin m’a demandé si Madame Rousseau était encore vivante. N’ayant pas la réponse, je lui ai donné l’adresse de leur maison de campagne où ils s’étaient retirés. C’est une de leurs filles qui a répondu à Albin ! Une nouvelle aventure se présente à nous : nous allons nous rencontrer cet été 2020, nous allons découvrir tout le patrimoine du Patron, son atelier resté intact ! Gageons qu’il y aura de belles surprises pour les numismates, et beaucoup de travail pour nous ! Il n’y a rien qui puisse nous raconter la vie et l’œuvre du dernier grand prix de Rome de gravure, nous allons aider Sylvaine Rousseau dans sa démarche !

4. Rida Roty

Je n’avais vraiment pas grand-chose concernant la Semeuse de Roty, mais le peu que j’avais est tout naturellement allé chez Rida Roty. J’avais quelques dessins, et des caricatures réutilisant la célèbre Semeuse ! J’ai rapidement appris que Rida était professeur de langue arabe, et spécialisé dans la numismatique arabophone, aussi, je lui ai aussi légué les dessins et gravures touchant ce thème.

NB : J’ai prévu de faire un article spécial sur la langue arabe dans mes travaux et ceux d’autres graveurs !

https://www.facebook.com/groups/La.Semeuse.de.Roty/

https://www.facebook.com/profile.php?id=100010087214113

5. Bruno Visentini

Nous avons concrétisé ces échanges en nous retrouvant deux fois à la bourse d’Aucamville (près de Toulouse), en 2018 et 2019. C’est là que j’ai pu apprécier le travail énorme effectué par Bruno Visentini, président de l’ANGSO, association numismatique du grand sud-ouest, et également président de la FFAN , fédération française des associations de numismatique. Bruno s’intéresse principalement aux projets non aboutis, et ceux-ci sont beaucoup plus nombreux qu’on l’imagine, c’est dans cette direction que j’ai orienté une part de mon legs.

Une fois ce travail terminé, ce sont mes légataires qui travailleront !

 Ces cinq legs ont donné lieu à des inventaires et à des publications. Ils ont été,de belle manière, présentés deux fois à la bourse d’Aucamville, ils vivent une nouvelle vie, ce qui est le but. Ils devaient à nouveau l’être en 2020, mais l’épidémie du Covid 19 a interrompu tous nos projets. Cette troisième bourse aurait dû être l’occasion de réunir les cinq légataires, dont certains ne s’étaient et ne se sont encore jamais rencontrés !

Après cette annulation, pour ne pas rester une année à attendre, Bruno Visentini a eu l’idée de créer une page Wikipédia à mon nom… L’idée était très louable. Ceux qui ont suivi ces péripéties ont vu combien il y avait d’obstacles à franchir, pour arriver à un résultat bien en dessous des attentes.

Beaucoup d’informations et de documents ayant été réunis, Bruno a alors eu l’idée de créer un site Internet ! C’était un vaste projet qui, après quelques préparatifs, a rapidement vu le jour. Ce site s’appelle donc 10francsgenie.fr, comme vous le savez toutes et tous. Ce devait être un site qui ne parlerait pas que de ma personne, mais qui regrouperait tout mon travail, tout ce que je sais sur la gravure et les graveurs, et tous les liens utiles dans ces mêmes domaines.

J’avais permis aux numismates de connaitre Nicolas Salagnac, un des rares graveurs en activité. Nicolas est « MOF », c’est-à-dire « un des Meilleurs Ouvriers de France », et aussi un très bon communicant sur notre métier. Il a déjà écrit des articles sur plusieurs graveurs (PR, JPR, BT) et sur notre professeur de gravure, Pierre Mignot. Je vous invite à visiter son site et à lire ces articles !

http://www.nicolas-salagnac.com/

Nicolas étant représentant régional des MOF, il avait entrepris de rénover leur site Internet. Il m’avait demandé si je connaissais quelqu’un pour ça… Je lui avais signalé que c’était le travail de mon fils cadet, Olivier, et ils ont fait affaire.

Lors d’une de ses discussions avec Nicolas, Bruno Visentini lui a demandé qui lui faisait le site des MOF… C’est ainsi que, à mon insu, Olivier Maréchal s’est retrouvé bâtisseur du site consacré à son père ! Une belle aventure pour lui aussi.

En ce mois d’août 2020, une partie du chemin est faite, un quart ou un tiers des articles est écrit, la plus grande partie des objets est léguée… Je me garde encore certains témoignages pour quelques mois encore.

Des ennuis de santé survenus ce mois de juin 2020, deux jours après le lancement de ce site (aucun rapport), m’ont rappelé la nécessité de na pas tarder à finir l’œuvre entreprise. J’ai dressé une liste du travail restant à faire, ainsi qu’un début de calendrier de publication à raison d’une par semaine.

Une fois ce travail terminé, j’espère reprendre une vie de retraité plus paisible, soulagé d’avoir transmis mes connaissances.

Jean-Luc Maréchal

PS 1 :

J’ai demandé à mes cinq légataires de bien vouloir m’écrire cette période comme ils le voulaient. Vous trouverez donc, ci-dessous, leurs proses !

PS 2 :

initialement, je ne pensais pas mettre d’illustrations avec cet article… Mais j’ai réalisé que j’avais beaucoup de photos « diverses et variées » qui pourraient assez bien illustrer cette période pendant laquelle un immense capharnaüm a régné dans mon bureau… et dans ma tête !

 

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