Médaille

Prise de Huy et de Dinant

Restauration de la matrice du revers de la médaille commémorant la prise de Huy et de Dinant par Louis XIV.

Cette restauration a été un travail unique…

  • Unique parce que le Patron, Monsieur Émile Rousseau qui me l’avait donné à faire, peu de temps après mon entrée à la Monnaie, a suivi lui-même mon travail et a donné son assentiment pour sa conformité. Normalement, c’était le chef d’atelier (Pierre Rodier) qui distribuait le travail et le suivait.
  • Unique par le fait que je n’ai jamais eu à refaire un travail comparable.
  • Unique parce qu’aucun graveur n’a jamais eu la chance d’avoir à faire ce genre de travail après moi ! Il faut rappeler que c’était l’époque de Pierre Dehaye et du mécénat d’Art…

La Monnaie de Paris conserve bien à l’abri, dans le « sous-marin », des milliers de matrices, de poinçons et de coins. Parmi ces outillages historiques, certains sont très usés, meurtris par les frappes…

Monument Historique

Lorsqu’il arrivait une demande de réédition, pour une commémoration par exemple, soit la Monnaie émettait un refus net et définitif, soit elle demandait à l’Atelier de Gravure de refaire une matrice identique à l’original. Dans ce cas, la règle d’or est de ne faire prendre aucun risque à ce « Monument Historique ».

C’est cela que le Patron m’a demandé de faire, en 1978, pour fêter ma première année dans son service. C’est ce que je vais essayer de vous expliquer dans cet article.

Il y a quarante ans, on ne faisait pas de belles vidéos comme savent le faire certains de mes amis à présent… Vous allez devoir vous contenter d’une planche dessinée, de quelques photos, de mes explications, et de votre imagination !

J’ai donc en main une matrice qui a été gravée en 1675 ou quelque temps plus tard. Elle a surement beaucoup servi, ou bien sa trempe n’était-elle pas optimale ? Elle est défoncée en de nombreux « cercles » concentriques. Seul le plomb que j’avais tiré à cette époque en témoigne.

C’est après six mois de travail que j’ai présenté ce dernier plomb au Patron, qui m’a donné son feu vert !

La médaille mesure 73mm. Elle est due à F. Molart. Le texte en légende dit PROPAGATIS AD MOSAM FINIBVS.

J’entreprends la première étape, extrêmement délicate : le relevé d’un poinçon. Cette opération, sur une matrice normale, s’étale sur une semaine. Dans ce cas, j’ai largement dépassé le mois. Chaque appui du poinçon était suivi d’une phase qui consistait à « aider » le métal à monter là où il avait du mal à épouser les creux, et aussi à faire recuire ce poinçon de la meilleure façon possible.

Une fois ce relevé terminé, la matrice n’a plus jamais été touchée, jusqu’à son retour au sous-marin. Je disposais d’un poinçon qui était la copie conforme de la matrice. Une fois usiné et trempé, j’ai pu reproduire une nouvelle matrice, identique à l’historique. C’est sur elle que je vais réaliser un très délicat travail de « défoulage ». Je vais faire le chemin inverse à l’acier, pour qu’il retrouve sa forme initiale !

Je vais remplir de cire les zones centrales, pour les protéger de la poussée que je vais faire subir à la matrice. Les zones ne sont jamais nettement délimitées, alors, une part instinctive va intervenir…

Cette préparation faite, je vais, sur une presse puissante, et, muni d’un galbe en relief, appliquer une pression qui va « défouler » la zone non protégée par la cire… Puis, le cul de la matrice est redressé au tour, la matrice est recuite.

Cette suite d’opérations va se répéter autant de fois que nécessaire…  Je pense que huit à dix séries m’ont été nécessaires. L’ensemble de ce travail a duré plus d’un mois, car il fallait attendre qu’il y ait un recuit programmé, et surtout, attendre le refroidissement de la matrice.

Je ne restais pas sans rien faire pendant ces périodes d’attente, vous vous en doutez !

Une fois ma matrice terminée, j’estime qu’elle était conforme à 95% à l’original. J’ai alors entrepris un minutieux travail, souvent à la loupe, pour m’approcher de l’exactitude historique.

2-shéma

NB1 :
Le plomb appuyé sur la matrice historique est très oxydé, d’où la grande quantité de petits points en relief… Ce n’est heureusement pas le cas pour le 2e !

NB2 :
Je n’ai pas trouvé de tirage de cette médaille, ni de la version originelle, ni de la version restaurée : alors bonne chasse à vous !

NB3 :
Une petite médaille traitant le même sujet existe, Ø41mm (au lieu de 73), signée Mauger. cf. liens.

NB4 :
J’offre à vos yeux ébahis une médaille contemporaine de la ville de Dinant…

Galerie

Un peu d'histoire sur cette médaille

(Propos recueillis d’après le livre de l’Académie des inscriptions et belles lettres : Médailles et jetons de Louis XIV d’après le manuscrit de Londres par Josèphe Jacquiot)

Projet de devise de l’académie avant 1694

Esquisse sans commentaire.

La légende : PROLATIS.AD.MOSAM.FINIBVS.

Le fleuve de la Meuse personnifié par une nymphe assise de face à droite, tient de la main droite un écusson sur lequel on lit : DIO/NANTVM/CAPT. et de la gauche un autre écusson sur lequel est écrit : HVIONVM/EXPVGN. Cet écusson est posé sur l’urne versante de la Meuse sur lequel on lit : Mosa.

Au fond du champ la vue des deux places conquises.

A l’exergue : DIONANTVM ET HVIONVM EXPVG [NATA]. M.D.L.XXV.

Les mots de la légende qui est au pourtour, comme ceux qui sont à l’exergue ont été barrés.

Délibération de l’Académie à partir de 1694 à propos de la médaille de la prise de Huy et de Dinant en 1675.

« Comme il s’est trouvé plusieurs médailles dont les descriptions n’estoient pas faites ; Monsieur l’abbé Tallemant a pris dans le Cabinet des Empreintes en Estaim de celles qui sont à faire pour l’année 1675 et les a présentées à Messieurs. Monsieur de Tourreil  en à pris deux, sçavoir celle de la prise de Limbourg, et celle de la Prise de Huy et de Dinant… »

Description de la médaille sur la Prise d’Hyy et de Dinant par de Tourreil en 1696.

« Monsieur de Tourreil a apporté la Description de la Medaille sur la Prise d’Huy et de Dinant, et Elle a esté arrestée.

« Maestrich pris sur les Hollandais couvroit le pays de la Liege du costé le plus dangereux. Cependant les Confederés occupoient encore sur la Meuse Huy et Dinant qui leur facilitoient la communication avec Namurr, et les mettoient en estat de ravager le pays de Liege et une partie de celuy d’entre Sambre et Meuse. Le Roy fit assieger des deux Places, l’une par le Marechal de Crequy, l’autre par le marquis de Rochefort ; elles se rendirent en peu de jours ; leur prise asseurâ tout le pays et ouvrit un chemin libre pour envoyer les secours necessaires à Maestrich la plus âvancée de toutes les Places que le Roy avoit conquises.

« C’est le sujet de cette médaille ; le fleuve que l’on y voit represente la Meuse, il tient d’une main l’Ecusson de la Ville de Huy et de l’autre celuy de la ville de Dinant. Ces deux Places paroissent dans l’esloignement sur les bords de cette riviere. Les paroles de la Legende PROPAGATIS AD MOSAM FINIBVS signifient les frontières du Royaume estendües du costé de la Meuse. L’Exergue marque l’année, 1675. / . »

Dessin gravé par S. Le Clerc.

Cette description correspond à la médaille dessinée sur l’esquisse du manuscrit de Londres, il faut noter cependant certaines différences. Les écussons portent les armes des villes au centre, l’inscription est inscrite au pourtour, alors que sur l’esquisse, l’inscription était au centre de l’écusson sans distinction particulière.

Médailles frappées d’après les devises composées par l’Académie

I / LVDOVICVS*MAGNVS*REX*CHRISTIANISSIMVS* (Signé) MAVGER.F [ecit].

Buste du roi de profil à gauche, cheveux longs, lauré, petite moustache. Revêtu de l’armure avec la tête de lion sur la poitrine, col nu, écharpe drapée, épaulettes brodées de soleils et de fleurs de lys.

Au revers : PROPAGATIS AD MOSAM FINIBVS.

Le dieu fleuve, personnifiant la Meuse, est assis de face sur un rocher, il tient de la main droite un écusson aux armes de la ville de Dinant autour duquel on lit : DEONANTVM EXPVGN.[ATUM] ; et de la gauche un autre écusson, qu’il appuye sur son urne, aux armes de la ville de Huy autour duquel on lit : HOIVM CAPT[VM]. Sur l’urne le mot MOSA. Derrière, dans le lointain, la vue des deux villes Huy et Dinant.

A l’exergue : M.DC.LXXV. (Signé ) MAVGER F.

Série royale du Cabinet des Médailles de Paris. N° 779, diam 71 mm, Argent, 137,75 g – Coin du Musée monétaire, n° 199.

II / LVDOVICVS.MAGNVS.REX.CHRISTIANISS[IMVS]. (Signé) R[oussel].

Buste du roi de profil à gauche, cheveux longs, lauré, petite moustache, revêtu de l’armure, col nu, écharpe agrafée sur l’épaule droite par une fibule ornée d’un soleil, épaulettes brodées de fleurs de lys.

Au revers : PROPAGATIS AD MOSAM FINIBVS.

Le corps de la devise est semblable à celui de la médaille précédente.

A l’exergue : M.DC.LXXV. (Signé ) MOLART. F.

Série royale du Cabinet des Médailles de Paris. N° 780, diam 73 mm, Bronze, 138,40 g. Coin du Musée monétaire, n° 200.  Cette médaille à été frappée à coins libres.

Medaille 03
Etude des médailles

La nymphe symbolisant la Meuse à été remplacée par le dieu fleuve de type classique.

A la légende inscrite sur l’esquisse du manuscrit de Londres on a remplacé le mot PROLATIS par PROPAGATIS. Le mot PROLATI sera repris dans la légende des médailles des Séries uniformes, quand l’Académie décide de mettre une légende différente de celle qui est inscrit sur les médailles de la Série royale, elle explique ce choix.

Délibération de l’Académie.

« … A la médaille sur la prise de Dinan et d’Huy, il y avoit deux différentes légendes, l’une PROLATI AD MOSAM IMPERII SECVRITAS. l’autre, PROPAGATIS AD MOSAM FINIB. La Compagnie a preferé la premiere, parce que la principale utilité de la prise de ces deux Places, estoit la conservation de Maesctrich et que la prise d’Huy surtout facilitoit tous les Convoys. »

Médaille de la première série uniforme en 1702.

Au revers.

La légende : PROLATI AD MOSAM IMP[ERII].SECURITAS

Le dieu fleuve, personnifiant la Meuse est assis de face sur un rocher un peu élevé, s’appuyant sur son urne. Il tient de la main droite l’écusson de la ville de Dinan et de la gauche celui de la ville de Huy, les deux écussons sont timbrés aux armes des villes, ils n’ont plus d’inscription au pourtour. Dans le lointain, le champ de la médaille étant plus étroit que celui des médailles précédentes, la vue des villes conquises est réduite.

A l’exergue : DIONANTUM ET HUYONUM / CAPT[A]. / M.DC.LXXV.

Série royale du Cabinet des Médailles de Paris. Diam, 41 mm ; n° 309, argent, 37,46 g ; n° 1036, bronze, 29.15 g.

Coin du Musée monétaire n° 199b. (Signé sur le coin ) T.B.F (Thomas Bernard Fecit).

Médaille de la série uniforme après 1702.

Au revers.

La légende : PROLATI AD MOSAM IMPERII SECURITAS.

Le corps de la devise est le même que sur la médaille de la première série uniforme.

A l’exergue : DENONANTIO ET HOYO / CAPTIS. / M.DC.LXXV.

Série uniforme du Cabinet de Médailles de Paris. Diam 41 mm ; n° 1037, Bronze, 27.97g ; n° 636, Bronze doré 35,78 g.

Les mots IMPERII et CAPTIS sont écrits sans abréviation.

Description du poinçon et du carré de la médaille I de la prise de Huy et de Dinant, inventoriés en 1697-1698.

Le poinçon.

« Un poinçon de neuf lignes de haut sur douze de large, représentant un fleuve assis à terre s’appuyant des deux mains sur deux boucliers dont l’un où l’on lit ces mots : DIONATVM. EXPVGN. Est posé sur la jambe droite, et l’autre où l’on lit ces mots : HVIONVM.CAPT. est soutenu par son urne où il y a ce mot MOSA. Pour servir a marquer un carré qui sera inventorié cy-après ledit poinçon numeroté trois cens. »

Le carré.

« Un carré de vingt huit lignes de diametre representant un fleuve, a demy levé et le reste du type du poinçon inventorié cy devant n°300. Lequel poinçon a servy a marquer led. Carréé ou au lieu des inscriptions qui remplissent les deux boucliers partez par le fleuve on a representé sur l’un un lion couronné et ces deux mots autour DEONANTVM EXPUG. et sur l’autre un chateau environné de tours avec ces mots HOIVM.CAPT.ET où on a adjouté une ville sur une riviere un château au haut d’une montagne et ces mots autour PROPAGATIS.AD.MOSAM.FINIBVS. Et dans l’exergue M.DC.LXXV. Mauger F. Dinan fut pris le vingt neuvième May et Huy le sixieme Juin de ladite année. Ce carré est à virole. Ledit carré numéroté mil deux cens soixante et dix huit. »

PS :

Dans les deux livres publiés par l’Académie, en 1702 et en 1723, la même erreur est à noter dans le dessin : sur l’urne on lit le mot MOSA. Il ne figure sur aucune médaille des Séries uniformes. Cette erreur à été maintenue dans le manuscrit de Saint-Omer : Parallèle entre les deux livres de l’Académie, qui est une copie servile des ouvrages publiés, et non une étude critique.

Le mot MOSA n’est inscrit que sur l’esquisse du manuscrit de Londres, sur le dessin gravé par S. Le Clerc, et sur les médailles de la Série royale