Graveur sur Acier
31. Le champlevé monétaire
En discutant avec des numismates à propos de variantes sur certaines pièces d’Oscar Roty, j’ai émis l’hypothèse qu’elles puissent venir du champlevé monétaire.
La question fut immédiate : Qu’est-ce que c’est que ça ?
Mon étonnement fut grand en entendant cette question ! Comment un numismate pouvait-il ne pas savoir ce qu’était le champlevé monétaire ?
Il m’a semblé alors obligatoire de décrire cette opération si incontournable dans la succession des opérations réalisées par un graveur !
Je vous conseille d’abord vivement de lire ou relire mon article n° 26, relatant l’enchainement des opérations nécessaires pour aller de la première gravure jusqu’au coin monétaire. Ceci vaut uniquement dans la période récente où l’on a commencé à réaliser des outillages complets, avec le sujet, plus le texte et le listel, c’est-à-dire depuis le XIXe siècle.
En résumé : le graveur réalise en taille directe sa M.O. dont il relève un P.O. qui sert à fabriquer des M.R. dont on relève des P.R. qui permettent de fabriquer les coins monétaires. Vous avez suivi ? | Lorsque c’est un sculpteur qui réalise un modelage en relief, celui-ci sera réduit au tour pour obtenir un P.O. qui servira à fabriquer des M.R. De ces M.R. on relèvera des P.R. qui permettront de fabriquer les coins monétaires. |
Si l’on enchaine les quatre opérations de relevé et d’enfonçage, on additionne d’infimes pertes de relief et, au moment de « préparer » les coins, le peu de métal que l’on va enlever va accentuer cette perte.
La solution choisie consiste donc à donner un peu de marge de manœuvre aux outilleurs-polisseurs en « pelurant » de quelques microns les fonds du poinçon.
Pour bien aller jusqu’au bord des motifs, sans toutefois les toucher, on va les « border » avec une onglette ronde très fine, préparée spécialement pour ce travail et ne servant qu’à cet effet.
Ce travail de bordure est extrêmement délicat, car on ne doit pas mordre sur le motif ni laisser un « trottoir », ce qui arrive si l’on a peur de s’approcher. Je vous laisse imaginer le travail lorsqu’il s’agit de border un texte !
La logique veut qu’on pratique cette opération sur le P.O. de façon à ne pas avoir à la recommencer plusieurs fois. Mais il n’est pas impossible qu’elle ait été parfois réalisée sur les P.R. donc plusieurs fois, et avec d’infimes différences, qui se retrouvent sur les monnaies !
NB : Je pense que mon échoppe à border fait partie du Legs Viguier.
Rappel : Le champlevé monétaire est une des épreuves du concours d’entrée à la Monnaie de Paris. Bien entendu, aucun candidat n’a fait ça avant d’entrer à la Monnaie ! Alors, il a fallu que je me prépare spécifiquement à cette épreuve. J’ai eu la chance que Claude Lesot m’explique comment faire le travail, et en prime me prête son échoppe à border pour le jour du concours !
Pour ce jour, il n’était pas question que l’on nous prépare un poinçon monétaire pour réaliser l’épreuve… Mes anciens avaient trouvé une solution bien plus simple : nous passions l’épreuve sur une 10 centimes Lindauer*, qui a une consistance suffisante pour réaliser un champlevé !
Je demande ce qu’il est advenu de notre travail sur ces pièces ? J’imagine surtout les commentaires des numismates qui découvriraient ces pièces sans avoir lu mon article !