Graveur sur Acier

21. L’affûtage des outils

Les graveurs ont deux types d’outils coupants, les burins et les échoppes, qui doivent être régulièrement et parfaitement affûtés.
Je vais d’abord le crier très fort : on n’affûte JAMAIS ses outils sur une meule “sèche” constituée de grains agglomérés de type émeri ou diamant ! Cela les détrempe en surface, ce qui est catastrophique. On utilise exclusivement une meule à eau, en grès.
On a en complément, sur l’établi, les pierres à huile servant pour les affûtages légers.
Les burins coupent en étant poussés par le choc d’un marteau, alors que les échoppes coupent en étant poussées par la main, avec ou sans point d’appui… Nous aurons donc deux modes d’affûtage bien différents.

Les burins

Ils sont de trois formes : plats, ronds, et onglettes. (Voir dessins).
Ils sont affûtés sur la face inférieure et sur la face supérieure.
Les angles d’affûtage par rapport au corps du burin sont différents et variables. (Voir dessins).
La face inférieure est plus grande, et a une inclinaison plus proche de l’axe du corps.
La face supérieure est plus petite, et a une inclinaison plus relevée.

La maîtrise de l’affûtage, qui est indispensable, s’acquiert progressivement, en même temps que l’on progresse dans la fabrication de ses burins, et dans leur utilisation.

Les échoppes

Elles sont aussi de trois formes : plates, rondes, et onglettes. (Voir dessins).
Elles ne sont affûtées que sur la face supérieure.
L’angle d’affûtage par rapport au corps de l’échoppe peut varier, mais assez faiblement.

La meule à eau

Elle est constituée d’une pierre circulaire en grès, la plus large possible, fixée sur un socle, et qui trempe dans un réservoir d’eau. Un réservoir supérieur peut aussi permettre l’arrivée de l’eau.
La meule peut être mise en mouvement par une manivelle, mais il faut que quelqu’un nous aide… Elle peut être mise en mouvement par un pédalier ; cela demande un peu d’expérience, car il ne faut pas transmettre le mouvement de sa jambe à tous le corps, donc aux mains !
Elle est plus généralement mise en mouvement par un moteur électrique.
On doit se tenir bien droit et stable devant la meule, les pieds écartés, de façon à pouvoir contrôler son angle d’affûtage, puisque c’est le corps qui est le seul système de référence.

NB. La meule tourne, lorsqu’on est face à elle, en s’éloignant de nous : le contraire ferait “planter” l’outil…
— Le bas de la meule trempe juste ce qu’il faut dans l’eau, de façon à ce qu’une pellicule d’eau remonte avec la rotation !
— On pose son outil à l’horizontale, sans appuyer fort, et l’on va “promener” son outil sur toute la largeur de la meule. C’est l’emplacement où l’on va poser son outil qui va donner l’angle de l’affûtage.
— Si on reste trop sur le centre de la pierre, on va creuser la meule rapidement, et il faudra la dresser souvent !

— Au bruit et à la sensation dans les doigts, on sent la facette qui va se former, et on sent lorsqu’elle est bien plate. On commence normalement par la facette du dessous, la plus grande, puis on passe à celle du dessus.
— Il est indispensable que chaque facette soit absolument bien positionnée, sinon le tranchant, qui est la résultante des deux facettes, sera en biais, et le burin ne coupera pas convenablement !

L’opération est un peu plus simple pour les échoppes puisqu’il n’y a qu’une seule facette !
On vérifie le coupant en appuyant le tranchant de l’outil sur un de ses ongles. Si l’outil glisse, c’est que l’affûtage n’est pas encore bon.

On doit régulièrement dresser sa meule. Cela se fait avec un outil en acier trempé ; nous utilisons en général des limes usées ! On vide la meule, et on nettoie le bac à eau par la même occasion.
Si l’on ne se sert pas quotidiennement de sa meule, on doit la mettre hors de son bac d’eau, faute de quoi une partie de la meule sècherait tandis que l’autre s’imbiberait d’eau, et la meule se déséquilibrerait, et ne s’userait pas de façon égale. Heureusement, il existe un système pour abaisser le bac.

PS : Il me revient à la mémoire un souvenir de meule : J’avais été embauché chez mon 3e patron, à Lyon, et la seule meule était un de ces tourets dont je vous ai dit au début de cet article ce que j’en pensais ! Le graveur précédent s’en contentait, mais moi, je n’avais pas l’intention de bousiller mes outils. J’ai réclamé une fois, deux fois, et après le troisième refus, je me suis fabriqué une meule tout en bois et carton, et je faisais semblant d’affûter mes outils dessus. Tous mes collègues rigolaient de ma pitrerie, et sous huit jours, j’ai eu ma meule à eau !

NB. Il y a deux types de graveurs : ceux qui trouvent que la meule n’est pas si creuse que ça, et que ça va bien… Et ceux qui ne disent rien et font le nécessaire pour qu’elle soit en bon état ! (Message subliminal)…

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